Ce matin, aux alentours de 8h, Marthe André Tiberghien nous a quitté à l’âge de 97 ans. Rares sont les billets personnels sur ce blog, mais bien qu’elle vous soit très certainement inconnue, je ne doute pas que vous eussiez pris un réel plaisir à la rencontrer et que le plaisir eut été partagé.

Si elle avait perdu l’usage de sa vue, elle n’en restait pas moins particulièrement alerte, avec une mémoire et un humour exceptionnel, toujours à nous étonner.

Capable de s’intéresser à chacun de ses visiteurs, jonglant entre les sujets tous plus hétéroclites, commentant le dernier grand-prix de Formule 1 à qui s’intéressait aux courses automobiles, ou défendant Sarkovy qui avait bien du courage pour faire ce qu’il faisait. Elle se mit même à l’écriture en 2005 pour un livre de souvenirs, que j’aurai pu compléter à chacun de mes entretiens avec elle, tant elle connaissait avec précision les dates et les évènements de sa vie, depuis la première guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui.

Une éducation à l’ancienne comme on en rencontre plus, un soupçon de mauvaise foi des plus drôle, un goût des bonnes choses qui faisait plaisir à voir (j’appréciais chaque année de lui faire déguster mon foie gras de l’année, ou de lui apporter de la crême fraîche épaisse pour mettre dans son café du midi, j’arrivais même à lui faire déguster un Genièvre [mais pas n’importe lequel !], au prétexte – vrai par ailleurs – que je ne bois pas seul !), une vie on ne peut plus riche dans le milieu très bourgeois des usines de textile du Nord à la grande époque, mais aussi très éprouvée par deux guerres, la perte de deux enfants et de son mari.

Je parlerai désormais d’elle au passé, mais je suis vraiment heureux de tous les moments que j’ai eu l’occasion de passer avec elle, ces temps de pur bonheur autour des chemins de Sainte-Victoire de Jacqueline de Romilly, et ces nombreuses tentatives pour être le premier homme à lui fêter la nouvelle année, pour ainsi espérer recevoir une pièce de 100 francs en argent (j’en ai eu une !).

Je ne suis pas triste de son départ, et elle m’en voudrait assurément de l’être, elle qui voulait qu’on lui souhaite le paradis en guise de voeux pour 2009. Il y a fort à parier qu’elle ait été exaucée.

Bon vent Bonne Maman !